Les Croisés de la Croix d'Argent:
Introduction
"Sire, le messager est arrivé."
L'homme se retira dans les ombres qui emplissaient la salle, des hautes voûtes jusqu'à l'extrême limite de l'aura dégagée par la brassée de flambeaux allumés en hâte.
La nuit était profonde; la place forte dormait, et le Baron Otto Von Deus aussi il y avait seulement quelques instants. La grande salle du château était vide, les dernières tavernes fermées, et toutes les patrouilles nocturnes étaient revenues.
Pourtant, Otto Von Deus savait qu'il ne fermerait plus l'œil de la nuit. Il attendait.
Enfin résonnèrent le claquement sec de bottes sur le dallage de pierre, et une lueur diffuse apparut à l'autre extrémité de la salle.
Un groupe d'homme s'avançait: Frederick Von Deus, frère d'Otto, Grand Intendant de la place forte; Vahan de Hautetour, maréchal des armées du Baron, et Grand Maître de l'ordre de chevalerie de la forteresse; Quélus, le Maître Espion, et Burrich, le Grand Veneur et responsable de toutes les bêtes. Ils étaient accompagnés d'un des hommes de Quélus qui, à l'instar de son maître, était petit, frêle d'apparence, et vif dans ces gestes et ses paroles.
"Messires, mon Seigneur, voilà ce que j'ai pu collecter après ces journées passées dans le lointain: premièrement, les mouvements que nous craignions sont bels et biens existants: des nains, des elfes, d'autres races moins sympathiques, des ennemis comme des alliés se dirigent vers le Sud. Menace pour la forteresse? M'est avis que non."
A ces mots, le Baron jeta un coup d'oeil en direction de Quélus qui hocha la tête. Rasséréné, Otto Von Deus se focalisa de nouveau sur l'espion:
"Maintenant, ce pour quoi vous êtes réveillés: c'est avéré. Aucun doute possible, les rumeurs se sont transformées en certitudes."
De nombreuses respirations retenues furent expirées avec inquiétude.
"- Un indice en particulier ne trompe pas.
- Quel genre d'indice?
- Mais le bel indice, de couleur rouge...
- Je ne vous suis pas..."
Interloqués, les membres du conseil s'entreregardèrent.
"Le sang. Lorsqu'il y a du sang de versé pour des rumeurs, c'est qu'elles sont bien souvent vraies."
Un silence crispé retomba. Quélus, au fait du rapport de son homme avant le reste du conseil, congédia son homme.
Les visages étaient bouleversés. Quoi?! C'était donc possible? Une nouvelle grande menace, pour l'Empire, pour le monde? Et eux seuls le savaient pour l'instant...
La forteresse de Hautetour avait connue maintes batailles, mais toujours sur son territoire. Partir vers l'inconnu était terrifiant.
Otto Von Deus réfléchissait. Que faire?
Il prit finalement une décision, et inspira profondément:
"-Intendant, nos finances nous permettent elles une expédition coûteuse?
- Absolument. Nos caisses sont pleines, et bientôt je n'aurais su quoi faire de tout cet argent.
- Parfait. Palefrenier.
- Oui, messire?
- Nos chevaux peuvent ils supporter de traverser un désert?
- Le terrain ici est aride, messire. Ils ont l'habitude de la chaleur. Avec les soins nécessaires, nos bêtes arriveront intactes, je m'en fais le garant. D'autant plus qu'une halte est possible avant notre destination finale.
- Bien. Quélus, peux tu m'assurer un voyage sans surprises pour mes hommes?
- Vous devenez insultant, Otto."
Se tournant finalement vers son Maréchal, homme du peuple anobli suite à une série d'exploits hors du commun:
"- Mon ami, vos hommes sont ils prêts?
- Ils braveraient les Jardins de Morr pour vous, Seigneur. Je vous laisserai les plus expérimentés, mais tous les autres, jeunes ou vétérans, se feront une joie de partir pour quelque glorieuse chevauchée.
- Et vous, mon ami? Je ne manque pas de valeureux capitaines, , alors si jamais...
- Comment, Sire ?! Vous me voudriez mettre à l'écart?"
Le ton était sans appel. L'écho se perdit peu à peu dans les hauteurs du plafond, et Otto Von Deus leva les yeux vers une fenêtre proche.
La Lune étincelait, et la tour qui arborait fièrement la bannière de la baronnie se découpait, claire sur fond de nuit. Tant de vies en jeu... Fallait il poursuivre? Il condamnait peut être l'Empire et tout ce qu'il aimait. Il se sentait comme sur un fil: au bout, la lumière; il sauverait son peuple, couvrirait de gloire son nom, rendrait un peu de prestige à cette région abandonnée. Mais le moindre faux pas et c'était la damnation assurée...
Une faible brise entra par cette même fenêtre, porta jusqu'à son oreille un murmure qu'il crut comprendre. Il prit conscience de tous les muscles de son corps en une soudaine bouffée de force animale, vit défiler devant ses yeux des images de victoires, ses yeux voyaient avec netteté les lourdes pierres qui constituaient la salle, et un élan de fierté, d'orgueil et d'audace, de force lui fit aspirer plus d'air que ses poumons semblaient pouvoir en contenir.
La brise repartit comme elle était venu. Alors, la puissante voix du Baron jaillit de son torse épais, et résonna comme un clairon d'argent dans cette forêt de ténèbres:
" A la guerre, alors! Nous partons en Croisade! "